Bougnoule bamboula, l’origine de ces insultes racistes : essai de Marie Treps
Le nouvel ouvrage « Maudits Mots » de la linguiste Marie Treps est un essai très documenté qui passe au crible les insultes racistes Bougnoule bamboula. Cet essai publié chez Tohu-bohu et en vente depuis le 3 janvier cadre parfaitement avec l’actualité. « Maudits Mots » a pris une autre dimension avec « l’Affaire Théo » du nom du jeune garçon très violemment brutalisé par la police.
Marie Treps nous apprend dans son essai que le mot « Bamboula » est dérivé de « Kam-bumbulu », « tambour » en langues Sarar et Bola de la Guinée portugaise.
Ces injures racistes se sont formées dans une pratique culturelle pour désigner l’étranger de manière méprisante. A la base, c’est un terme neutre qui désignait à l’origine une fête exubérante.
Avec la Première Guerre Mondiale et la mobilisation de tirailleurs, le mot prend une autre connotation et renvoie à une image alliant sauvagerie et humanité.
Plus couramment, le mot est lié au comique, au grotesque, au cannibalisme mais aussi à une sexualité animale. L’injure « Bamboula » est à l’origine de plusieurs polémiques en France. Au début du XXe siècle, des « bamboulas » étaient mis en avant dans des caricatures dans lesquelles ils menaçaient les soldats allemands de sodomie. L’autre polémique est aussi venue de la biscuiterie Saint Michel.
En 1987, une marque de biscuit au chocolat portant le nom de « Bamboula » est créée par la marque Saint Michel. La mascotte de ces biscuits n’était autre qu’un enfant noir habillé d’un pagne et d’un béret léopard sur la tête. La société Saint Michel est même allée plus loin en créant en 1994, dans le zoo de Port-Saint-Père, un « Village de Bamboula ».
Ce village, peuplé d’une vingtaine de figurants originaire d’Afrique, était censé ressembler à un village traditionnel de Côte d’Ivoire.
La polémique suscitée par ce zoo humain a poussé la biscuiterie Saint Michel à fermer le village et à abandonner les gâteux du même nom.
En dehors des injures Bougnoule bamboula, Marie Treps évoque d’autres injures raciales à l’instar de « Banania », « blanche-neige », « melon », tronc de figuier », « crouillat », « macaque », « macaroni », « youpin », « fridolin »…la linguiste nous explique que le but est de stigmatiser en mettant l’accent sur la différence.
La société française a fait appel à ces termes à chaque fois qu’elle s’est confrontée à une angoisse. Angoisse due à une forte immigration soit économique (avec les espagnols, les italiens, les russes à la fin du XIXe siècle, puis avec les africains et maghrébins), soit politique (avec les ressortissants de l’Europe de l’Est fuyant les dictatures dans les années 1930).
La dernière polémique en date est sur le plateau de l’émission diffusée sur France 5 C dans l’air. Au cours de cette émission, le syndicaliste policier Luc Poignant, évoquant « l’affaire Théo » jugeait l’insulte « bamboula » « à peu près convenable », même si elle ne devait pas se dire. Au lendemain de l’émission, la polémique a continué sur Twitter où Philippe Bilger, ancien magistrat et soutien d’Eric Zemmour a affirmé que pendant ces années de collège, « Bamboula » était « beaucoup plus sympa, presque affectueux.
Christine Taubira estime quant à elle qu’ «On casse d’abord du bamboula puis du bougnoul [sic] puis du jeune puis du travailleur puis du tout-venant. ». Le décryptage par Maie Treps de ces injures racistes est très édifiant et en dit long sur la société française qui est hanté par son passé colonial.